Communiqué du conseil d’administration de Church and Peace

Berlin, 30 mai 2022 – Face à l’attaque brutale de la Russie contre l’Ukraine et à l’ampleur des morts et des destructions dont on ne voit pas la fin, nous cherchons à atteindre la radicalité de la non-violence, défi devant lequel nous met Jésus. Nous encourageons chacun.e à s’appuyer sur les connaissances et les expériences en matière de prévention, d’intervention et de désescalade non-violente des conflits militaires. Nous appelons à continuer de s’en tenir à l’engagement pour la non-violence plutôt que de céder à l’escalade apparemment inévitable de la logique militaire.

La guerre est de retour en Europe avec des dimensions jusqu’ici inimaginables. Ses effets globaux se font déjà sentir. Ce sont les personnes – enfants, femmes et hommes – qui en souffrent. Ceux qui souffrent sont ceux dont la vie, la santé et les moyens de subsistance sont en train d’être détruits par la violence. Ce sont ceux qui – de leur propre gré ou sous la menace – se sont engagés dans des actes de guerre et qui subiront ainsi de profondes blessures psychologiques. Toute guerre dégrade, déracine et détruit, et il faut toujours un temps très long pour que les blessures soient guéries. C’est la douloureuse leçon de toutes les guerres passées et présentes, notamment en Europe du Sud-Est, où les membres de Church & Peace cherchent depuis des décennies des voies de guérison pour eux-mêmes et leurs sociétés, et essaient d’empêcher le déclenchement violent de conflits non résolus qui menacent à nouveau.

Il ne s’agit pas de dire aux gens en Ukraine et dans d’autres zones de conflit de la planète comment ils doivent se défendre, ni de les laisser seuls. Face à ce degré de violence ouverte, face à la menace d’escalade, face aux dangereux conflits latents ou ouverts dans le monde, la non-violence ouvre notamment une perspective alternative pour un avenir de sécurité pour tous sur notre planète en danger.

Jusqu’à présent, il semble qu’on n’a rarement jugé digne de rapporter d’autres formes de bravoure que celle des armes, y compris en Ukraine et en Russie. Des scientifiques ont étudié 323 conflits violents au cours des 100 dernières années. Là où la résistance non-violente a été utilisée pour répondre à la violence de l’agression, la moitié a conduit à une paix durable – deux fois plus souvent que lors d’une défense militaire. Il y a également eu des victimes, mais considérablement moins que dans le cas de réponses armées. (Chenoweth, Erica und Stephan, Maria J., « Why civil resistance works », New York 2011)

La non-violence est d’abord une attitude. Elle respecte l’humanité et la dignité de chaque être humain, y compris celles de l’adversaire. Elle est liée au courage, à la compétence, à la créativité et à l’action. La non-violence N’EST PAS la passivité ! Au contraire !

Il s’agit de prévenir le risque de conflits violents par tous les moyens disponibles, travailler à la désescalade des situations conflictuelles. Il s’agit d’une part de soutenir activement les personnes qui résistent à la guerre, et d’autre part, après la fin de la violence militaire, en situation de défaite, de soutenir la résistance à une occupation. Après une guerre, il s’agit aussi de traiter les traumatismes, de guérir les mémoires, de poursuivre l’engagement non-violent pour la justice et la liberté comme conditions indispensables de la réconciliation. Tout cela doit être étudié, et pour cela il faut investir plus que jamais dans les femmes et hommes et dans leurs compétences, au moins autant que jusqu’à présent dans les armes ! Cela exige un changement radical de mentalité au lieu d’un armement en hausse.

Dans l’introduction du rapport Olaf Palme 2 « Sécurité Commune 2022 – Pour notre avenir partagé » publié mi-avril, on peut lire : « Le monde est à la croisée des chemins. Il doit choisir entre une existence fondée sur la confrontation et l’agression ou une existence enracinée dans un programme de paix transformatif et de sécurité commune. En 2022, l’humanité est confrontée aux menaces existentielles de la guerre nucléaire, du changement climatique et des pandémies. À cela s’ajoute un mélange toxique d’inégalités, d’extrémisme, de nationalisme, de violence sexiste et de rétrécissement de l’espace démocratique. La façon dont l’humanité répondra à ces menaces décidera de notre survie. » (p.4)

Cette guerre fait également apparaître clairement que les ressources de la planète – le pétrole, le gaz, le sol, la nourriture et l’eau – deviennent des armes de guerre. Mais nous devons vivre ensemble sur cette planète limitée et menacée – y compris avec la Russie.

C’est sur cette base qu’a été élaboré dans l’Église Protestante de Baden, Allemagne, le concept ‘Repenser la sécurité’, qui fait désormais l’objet d’un débat international et qui développe des alternatives à long terme à la sécurité militaire – travail dans lequel nous sommes engagés en tant que Church and Peace.

Osons rester fermes dans la conviction que « La guerre est contraire à la volonté de Dieu », comme l’a formulé la première Assemblée du Conseil Œcuménique des Églises en 1948. Osons rester fermes dans la conviction politique que la guerre ne doit pas être. Supportons la malveillance et les moqueries, le blâme pour notre « naïveté » et notre « passéisme » !

« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu. » (Mt5,9) et : « C’est à la paix que Dieu vous a appelés. » (1 Corinthiens 7,15) Nous considérons ces paroles et d’autres de la Bible comme un défi, et même une provocation, pour nous et pour toutes les Églises qui suivent Jésus. Nous les considérons comme une mission confiée aux Églises d’encourager et d’exiger de nos sociétés qu’elles osent suivre le chemin de la non-violence.

 

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