Wethen, le 5.10.2023
Le racisme augmente dans nos sociétés européennes. Les Églises doivent se demander comment elles ont participé au racisme, à la discrimination et à l’esclavage.

« Vaincre le racisme dans l’Église » était le thème de la conférence Church and Peace de cette année à Baarlo, aux Pays-Bas. Geert van Dartel, président du Conseil national des Églises néerlandaises, a raconté dans son discours de bienvenue comment les Églises néerlandaises se sont engagées sur le chemin douloureux de la réconciliation et de la réparation.

Hedwig Komproe, membre du conseil d’administration de SKIN (Samen Kerk In Nederland, Église ensemble aux Pays-Bas) a souligné que la pratique actuelle de la discrimination raciale ne peut être véritablement comprise et combattue que si nous commençons par reconnaître et pleurer l’histoire de l’implication des Églises dans l’esclavage et l’exploitation coloniale. C’est aussi dans ce but que le pays est entré le 1er juillet 2023 dans une année commémorative de la fin de l’esclavage aux Pays-Bas et dans les anciens territoires coloniaux, il y a 150 ans.

Près de 100 personnes de 15 pays européens et non européens ont assisté à la conférence. Des intervenant.e.s racisé.e.s ont apporté leurs expériences et leurs analyses. Ces apports ont été approfondis en ateliers.

« Être créé à l’image de Dieu signifie que nous sommes créés pour être en relation avec les autres », a déclaré Yawo Kakpo, pasteur et professeur du Togo, « parce qu’en fin de compte, il s’agit de permettre à toutes et à tous de participer à la vie sociale et d’avoir le même accès aux ressources sociales, culturelles, politiques, économiques et spirituelles. »
Mais c’est précisément ce qui fait craindre aux riches chrétiens de l’hémisphère nord de perdre leurs privilèges. L’Église et la théologie doivent donc s’atteler à cette répartitionde la richesse en acceptant leur héritage colonial et en rendant visible le colonialisme actuel.

AdejareOyewole, de Londres, trésorier de la Commission des Églises auprès des migrants en Europe (CEME), a souligné que le racisme est depuis le début une préoccupation centrale du mouvement œcuménique. La première Assemblée générale du Conseil œcuménique des Églises (COE), qui s’est tenue à Amsterdam en 1948, a condamné les « préjugés fondés sur la race ou la couleur » et les « pratiques de discrimination et de ségrégation » comme « un déni de justice et de dignité humaine ». C’est dans ce contexte qu’est née à CEME en tant qu’organisation de campagne antiraciste des Églises européennes. La CEME s’engage pour que tous les êtres humains – créés à l’image de Dieu – soient traités avec dignité et respect et considérés comme nos prochain.es et non comme « les autres ».

Le travail de la CEME nous confronte au vécu des personnes issues des Églises de migrants. À mesure que l’hostilité augmente envers les personnes qui ont fui, la discrimination s’accroît également.
« Le problème du racisme est très vaste en Europe », a déclaré Oyewole, « il va de la situation des Roms en Europe au traitement des populations autochtones, en passant par l’histoire du colonialisme et l’intersection entre le racisme et la discrimination des migrants. »
Oyewole a mis en garde : « La conception selon laquelle la mission ne peut être accomplie que par les puissants pour les impuissants, par les riches pour les pauvres ou par les privilégiés pour les exclus, contribue à l’oppression et à l’exclusion des personnes de la majorité mondiale. » Au lieu de cela, il s’agirait par exemple d’utiliser les ressources en commun, de se considérer mutuellement comme des partenaires égaux et de témoigner ensemble. Aussi les migrants doivent être impliqués dans la direction des grandes Églises et des comités œcuméniques.

Nicole Ashwood, chargée de programme du COE « Une communauté juste de femmes et d’hommes » et sa collègue Thandi Soko de Jong des Pays-Bas ont rappelé : « Avec le programme de lutte contre le racisme du COE, le COE s’est engagé depuis 1969 à ce que ses Églises membres exercent une pression spirituelle et politique pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud … Cela signifie que des personnes de toutes races, classes et ethnies ont travaillé sans relâche en tant que porte-parole et militant.es, risquant leur corps et leur vie, mais jamais leur foi, pour s’assurer que l’unité visible du COE s’exprime dans l’incarnation multiple des peuples créés selon l’imago Dei. »

Les deux intervenantes ont rappelé la confession de foi d’Accra de 2004, qui stipule : « C’est pourquoi nous rejetons toute idéologie, tout régime économique plaçant le profit avant les personnes, qui n’a nul souci de la création et qui privatise les dons de Dieu destinés à tous. »

Avec le programme « Vaincre le racisme, la xénophobie et la discrimination qui y est associée », relancé en 2023, « nous nous sommes tout de même rapprochés de la transformation, même si l’objectif n’a pas encore été atteint », a déclaré Ashwood.

La transformation – tel est le défi que nous voulons relever en tant que Church and Peace. Nous voulons nous confronter à la peur de la friction et accepter d’être réveillé.es là où nous ne sommes pas conscient.es de notre racisme ou de notre comportement discriminatoire.
Les personnes racisées ont témoigné des 1000 petites piqûres d’épingle du racisme. « En tant qu’individus, nous pouvons et voulons contrer cela avec 1000 petits pas d’amour », a déclaré Yawo Kakpo dans le sermon du culte de clôture.

Pour avancer vraiment, il faut avant tout sortir de sa zone de confort et faire face aux questions formulées par Dr Masiiwa Ragies Gunda, responsable du programme « Réponses systémiques pour vaincre le racisme » du COE :
Que craignons-nous dans le fait d’être égaux aux autres peuples ?
Le ciel est-il si petit que nous craignons qu’il n’y ait plus de place pour nous ?
La terre est-elle si pauvre que ses ressources ne nous suffisent pas à tous ?
La grâce de Dieu est-elle limitée au point de ne pas suffire pour tous les enfants de Dieu ?
Pourquoi avons-nous peur de la justice, de l’égalité et de l’équité ?

 

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